Vous avez affiché votre permis de construire dès notification et aucun tiers n’a formé de recours contre votre projet depuis deux mois. Vous prenez donc la décision de commencer vos travaux. C’est à ce moment que vous recevez un courrier du maire vous annonçant sa volonté de retirer votre permis. Un tel arrêté permet en effet au maire de revenir sur une décision qu’il considère comme illégale dans un délai limité. Cet article vous permettra de mieux comprendre le mécanisme du retrait administratif d’un permis de construire, ses conséquences sur vos travaux et les moyens de défense à mettre en œuvre.
Quelle est la durée pendant laquelle le permis de construire peut faire l’objet d’un retrait ?
Le délai de principe pendant lequel un permis de construire, de démolir ou d’aménager est susceptible d’être retiré est de trois mois1. Ce délai court à compter de la date de la décision prise par l’autorité compétente. Si la décision est tacite, il convient de prendre en compte la date à partir de laquelle le permis est réputé acquis, à l’issue du délai d’instruction (qui diffère selon la situation du bien et le type d’autorisation sollicitée), sauf cas de refus implicite.
D’ailleurs, la notification ultérieure d’un permis de construire exprès après obtention d’un permis tacite ne remet pas en cause le point de départ du délai de retrait permis de construire.
Une fois le délai de trois mois purgé, l’administration ne peut plus retirer l’autorisation qu’elle a délivrée, sauf cas de fraude. Seule la date effective de notification du retrait compte : en effet, une décision de retrait prise avant l’expiration du délai de trois mois mais notifiée après l’expiration de ce délai est illégale2.
En cas de fraude, un risque de retrait à tout moment demeure3. Juridiquement, la fraude est définie comme une fausse déclaration ou une manœuvre du pétitionnaire visant à obtenir un permis de construire en dissimulant certaines informations au service instructeur4. Compte tenu de sa gravité, le risque de retrait est alors perpétuel.
Dans quels cas un maire peut-il retirer le permis de construire qu’il a accordé ?
Le permis de construire doit être entaché d’illégalité(s) pour être retiré5. Dans le cadre de son contrôle de légalité, le préfet peut contester la légalité d’un permis de construire délivré par un maire et en demander le retrait6. Un tiers7 peut également demander au maire de retirer l’autorisation d’urbanisme s’il estime qu’elle est entachée d’illégalité, dans un délai de deux mois suivant le premier jour d’affichage du permis de construire.
Un permis est illégal s’il ne respecte pas les règles fixées par le Code de l’urbanisme et/ou les prescriptions d’urbanisme applicables localement, contenues dans un Plan local d’urbanisme ou un document en tenant lieu.
Deux principes juridiques sont alors mis en balance : le principe de légalité et celui de la sécurité juridique. Le permis de construire étant une décision créatrice de droit, il ne peut donc plus être retiré une fois devenu définitif : le droit de construire est acquis au bénéficiaire, sauf en cas de retrait pour fraude ou en cas de péremption de l’autorisation d’urbanisme8.
Depuis la décision de principe du Conseil d’État Danthony9, tous les vices d’illégalité ne sont plus susceptibles d’entrainer l’annulation d’un acte administratif. Ainsi, une décision entachée d’illégalité ne peut pas être retirée si le vice est sans influence sur le sens de la décision ou s’il n’a pas privé l’intéressé d’une garantie10. En application du principe de sécurité juridique, un pétitionnaire ne peut se voir retirer un permis de construire si le vice l’entachant est mineur.
Comment se déroule la procédure de retrait d’un permis de construire ?
Le législateur impose à l’administration de mettre en place une procédure contradictoire avant tout retrait d’autorisation d’urbanisme. L’absence de mise en œuvre de cette phase préalable entache d’illégalité la décision de retrait11. Cette procédure permet au bénéficiaire d’être entendu avant que la décision de retirer le permis de construire ne soit prise.
En effet, le permis de construire est un acte créateur de droit et il ne peut donc être retiré sans que l’administration ne motive sa décision12. Un courrier informant le bénéficiaire de la volonté de l’autorité compétente de retirer le permis de construire marque le début de la procédure contradictoire préalable13. Ce courrier doit être motivé à l’écrit et exposer les motifs de droit et de fait justifiant cette décision14. La personne intéressée doit pouvoir présenter ses observations écrites, et sur sa demande, ses observations orales15.
Sur ce dernier point et dès lors qu’il en a fait la demande, le bénéficiaire doit être auditionné par l’autorité compétente et l’absence d’une telle audition remet en cause le caractère contradictoire de la procédure, entachant ainsi la légalité de la décision de retrait d’un permis de construire16. Il est possible de se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire à tout moment, pendant cette procédure.
L’administration doit mettre en place cette procédure préalable dans un délai suffisant et raisonnable17, dont l’appréciation ne s’arrête pas au nombre de jours écoulés entre le premier courrier de la ville adressé au bénéficiaire et le retrait effectif de permis. A titre d’exemple, un délai de 16 jours a été jugé suffisant18. Par ailleurs, une décision de la Cour administrative d’appel de Nancy précise, quant à elle, qu’un délai de 7 jours est suffisant, même s’il comprend un dimanche19. La notion du délai suffisant et raisonnable est variable selon les circonstances et, notamment, selon le mode de communication choisi par l’administration : le juge apprécie le caractère suffisant et raisonnable de ce délai in concreto.
A noter que les décisions de retrait irrégulières sont « danthonysables », c’est-à-dire que l’irrégularité de la procédure de retrait n’entraine pas nécessairement la nullité de l’acte dès lors que l’irrégularité n’a pas privée l’intéressé d’une garantie ou n’a pas exercé une influence sur le sens de la décision20. Par exemple, si le pétitionnaire a spontanément fourni ses observations au maire, l’absence de procédure contradictoire ne prive pas l’intéressé d’une garantie21.
Que se passe-t-il une fois que le permis de construire est retiré ?
Le permis de construire retiré disparait rétroactivement : il est réputé n’avoir jamais existé22.
En démarrant le chantier avant la fin du délai de retrait, le pétitionnaire s’expose au risque de voir son permis retiré : sa construction – devenue sans autorisation – serait illégale. De plus, le recours contre la décision de retrait n’a pas d’effet suspensif. Partant, tant que la décision de retrait n’a elle-même pas été retirée ou annulée, elle reste en vigueur et doit être appliquée, sauf à en obtenir la suspension devant le juge des référés23, ce qui reste néanmoins très difficile à obtenir.
En cas de subsistance d’une construction non autorisée, sans régularisation par l’obtention d’un nouveau permis de construire ou d’une déclaration préalable, l’auteur de la construction s’expose à des risques de condamnations civile et pénale. Il ne pourra par ailleurs pas modifier sa construction par le dépôt d’un permis de construire si ce dernier ne régularise pas les travaux réalisés sur le fondement de cette autorisation retirée (donc équivalent à l’absence d’autorisation), pendant un délai de 10 ans, sauf exceptions (voir cet article « La régularisation des constructions réalisées avec ou sans autorisations d’urbanisme »).
Que faire si votre autorisation de construire est retirée ?
Vous pouvez déposer une nouvelle demande de permis de construire prenant en compte les motifs du retrait. Une analyse juridique des motifs de retrait permet d’anticiper un nouveau refus.
En parallèle, vous pouvez former un recours contre la décision de retrait du permis initial devant le Tribunal administratif, pour in fine obtenir la délivrance de ce permis initial. Si ce retrait est jugé illégal, vous pouvez demander la réparation des préjudices subis du fait de cette décision de retrait annulée par le juge.
Plus précisément, la décision de retrait peut faire l’objet d’un recours gracieux auprès de l’autorité l’ayant délivré. Si la décision attaquée est illégale et que le délai de trois mois n’est pas expiré, le maire peut retirer sa décision24. Le « retrait du retrait » rétablit la décision initiale.
En cas de rejet du recours gracieux, ou si au regard du dossier il parait évident qu’un tel recours ne pourrait aboutir, un recours contentieux peut être formé pour demander l’annulation de la décision litigieuse. Si le juge administratif fait droit à la requête et annule le retrait, la décision initiale est automatiquement rétablie au jour de la décision prononçant le retrait. Cependant, le Conseil d’État a récemment précisé que l’annulation de la décision de retrait ne fait pas courir un nouveau délai de retrait du permis de construire25.
La responsabilité de la personne publique est susceptible d’être engagée si le retrait cause un préjudice au pétitionnaire. En effet, l’illégalité du permis de construire résultant d’une faute commise par l’autorité l’ayant délivrée permet d’engager sa responsabilité26.
De nombreux préjudices peuvent être indemnisés, par exemple le coût de la démolition de la construction27 ou les frais de relogement28. La jurisprudence est riche sur ce sujet. Cela étant, il conviendra de pouvoir démontrer le lien de causalité ainsi que le caractère direct et certain du préjudice subi avec l’illégalité commise.
En synthèse, le maire a trois mois pour retirer un permis de construire illégal. Bien que cette procédure soit encadrée afin de vous laisser plusieurs garanties, ses conséquences sur un éventuel chantier entamé peuvent êtres lourdes.
Si le maire retire votre permis, il est toujours possible de déposer une nouvelle demande prenant en compte la décision du maire, sous réserve que les règles d’urbanisme le permettent. Vous pouvez aussi former un recours contentieux contre la décision du maire. Le recours à un avocat intervenant en droit de l’urbanisme dès le déclenchement de la procédure préalable au retrait vous permet de faire valoir vos droits et de défense votre projet.
Article rédigé par Mélyssa Carré et Théo Bartholomucci
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Légende :
L424-5 du Code de l’urbanisme
CE 13 février 2012, n°351617
CRPA, art. L.241-2, CE, 16 août 2018, n° 412663 / CAA, 30 septembre 2021, n°19MA03710
CAA MARSEILLE, 19 mai 2011, req. n° 09MA02311
L424-5 du Code de l’urbanisme
L2131-2 du Code général des collectivités territoriales / R.
L.600-1 et suivants du Code de l’urbanisme.
Cf. Article « La validité du permis de construire, que faut-il savoir ? »
CE, Ass., 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033
CE, 7 février 2020, n°428625 / CAA Marseille, 18 mars 2016 n°14MA03823 / CAA de VERSAILLES, Juge des référés, 12 avril 2022, 22VE00391 / CAA de Lyon, 13 novembre 2014, 13LY01881 / CAA de Douai, 27 mars 2012, 10DA01617 / CAA de NANCY, 29 décembre 2021, 19NC03550
Art. L.121-1 CRPA
Article L211-2
CE, 24 mars 2014, 356142, le maire n’a, en l’espèce, pas indiqué au bénéficiaire qu’il comptait procéder à un retrait du permis de construire
Article L211-5
Article L122-1
Conseil d’État, 1ère – 4ème chambres réunies, 12/06/2023, 465241.
CE, 23 avril 2003, n° 249712, « Sté Bouygues Immobilier »
CAA de MARSEILLE, 29 septembre 2022, 19MA03835
CAA Nancy, 29 mars 2012, n°11NC00731
CE, Ass., 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335033
CE, 24 mars 2014, n°356142
CAA de VERSAILLES, 04 décembre 2019, 17VE03585
L4 Code de justice administrative
CE, 9 juillet 1997, n°125748
CE, 26 juillet 2018, n°419204
CE, sect., 26 janvier 1973, Ville de Paris c/ Driancourt, n° 84768
CAA Lyon, 5 janvier 2016, n° 15LY00782
TA Nantes, 26 novembre 2015, n° 1204668
Résumé de l’article en 6 questions
- Le permis de construire peut-il être retiré après sa délivrance ?
Le retrait de permis de construire est une procédure juridique spécifique. Un permis délivré peut être retiré dans certaines conditions, notamment en cas d’illégalité ou de fraude. Ce retrait est soumis à une procédure contradictoire permettant au bénéficiaire de présenter des observations écrites. La loi prévoit un délai de retrait de trois mois suivant la date de délivrance du permis.
- Quelle est la procédure contradictoire en cas de retrait du permis de construire ?
La procédure contradictoire est une étape essentielle avant le retrait du permis. Elle offre au bénéficiaire l’opportunité de présenter des observations écrites ou orales. Cette phase doit respecter le code des relations entre le public et l’administration, assurant que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations dans un délai suffisant.
- Existe-t-il un délai spécifique pour le retrait d'un permis de construire ?
Oui, le délai de retrait est un élément clé de cette procédure. La loi stipule un délai incompressible de trois mois après la délivrance du permis pour procéder à son retrait. Passé ce délai des trois mois, le retrait n’est généralement pas possible, sauf en cas de fraude avérée.
- Quelles sont les conditions de retrait d'un permis de construire ?
Les conditions de retrait d’un permis de construire incluent la nécessité d’une illégalité constatée dans la décision initiale. Selon l’article 424-5 du code de l’urbanisme, le retrait doit être justifié et ne peut se faire sans une procédure contradictoire adéquate, garantissant au bénéficiaire un délai suffisant pour faire valoir ses droits.
- Quels sont les effets d’un retrait du permis de construire sur un chantier en cours ?
Lorsqu’un permis de construire est retiré, il est considéré comme n’ayant jamais existé. Si les travaux ont débuté, ils deviennent illégaux, exposant le bénéficiaire à des sanctions civiles et pénales. Il est donc crucial de prendre en compte ce délai incompressible avant de commencer tout chantier.
- Comment réagir si mon autorisation de construire est retirée ?
En cas de retrait de votre permis, vous pouvez déposer une nouvelle demande de permis de construire, en prenant en compte les motifs du retrait initial. Il est également possible de contester la décision de retrait devant le Tribunal administratif. Dans ce cas, il est conseillé de se faire assister par un avocat spécialisé en droit de l’urbanisme.