Dix questions/réponses sur la régularité de l’affichage d’un permis de construire, d’un permis de démolir ou d’une décision de non opposition à déclaration préalable de travaux
Obtenir un permis de construire c’est bien, afficher régulièrement ce permis sur le terrain c’est mieux !
Seul un affichage régulier permet de donner son plein effet au panneau d’affichage sur le terrain. Cet affichage a pour objectif de faire connaître les caractéristiques d’un projet immobilier aux tiers voisins et, ainsi, de leur permettre de contester la légalité de celui-ci pendant un délai relativement court (deux mois). Il ménage le droit à construire du pétitionnaire par rapport au droit au recours des voisins.
S’assurer de la régularité de l’affichage de non autorisation d’urbanisme permet de purger le délai de recours des tiers à l’encontre de cette autorisation d’urbanisme et d’éviter l’introduction de recours en annulation du permis de construire tardif fondé sur un affichage défaillant.
Est-ce que la détérioration ou le tag d’un panneau d’affichage de permis de construire interrompt le délai de recours des tiers de deux mois ?
Le délai de recours des tiers de deux mois court normalement lorsqu’un panneau d’affichage de permis de construire est tagué si l’identification des caractéristiques essentielles du projet est possible[I]. Le juge administratif fait donc preuve de pragmatisme en ne sanctionnant pas chacun des panneaux vandalisés dont certaines mentions sont illisibles. Il s’appuie sur les éléments de preuve produits en demande et en défense pour forger sa conviction.
En effet, il revient au requérant de démontrer que l’affichage est irrégulier. Il doit prouver par tout moyen que le panneau n’était pas lisible et empêchait les tiers d’identifier la nature du projet[II]. En défense, le bénéficiaire du permis de construire devra prouver que son affichage est conforme, par la production de constats d’huissier ou de toute autre pièce permettant d’établir la régularité de l’affichage pendant une période continue de deux mois (ex : à défaut de constats d’huissier, production de photographies horodatées du panneau)[III].
Un panneau d’affichage de permis de construire situe sur une voie privée interdite au public permet-il de faire courir le délai de recours de tiers ?
Un panneau d’affichage situé sur une voie privée interdite au public ne permet pas de faire courir le délai de recours des tiers contre le permis de construire. En ce sens, la loi impose que le panneau soit affiché sur le terrain et visible depuis l’extérieur du terrain[IV].
Conseil : Si les travaux autorisés sont localisés sur un terrain non bordé par un espace public, le panneau doit être disposé en bordure d’une voie publique ou privée ouverte à la circulation du public, la plus proche dudit terrain.
Pour apprécier le caractère ouvert ou non au public d’une vois privée, le juge considère qu’une voie empruntée par des tiers autres que les voisins l’empruntant pour leurs propres besoins est une voie privée ouverte à la circulation du public. Partant, si le panneau est déposé en bordure d’une voie privée ouverte au public, mais que cette voie est une impasse par laquelle seuls les voisins transitent, alors le délai ne court pas. Dans ce cas, il sera conseillé de placer son panneau à l’entrée de la voie privée[V].
Quid d’un panneau d’affichage de permis de construire fixe sur un portail ?
Le panneau d’affichage d’un permis de construire doit être suffisamment visible de l’extérieur du terrain et lisible depuis un espace public[VI] s’il est fixé sur un portail.
Pour que le délai contentieux des tiers contre le permis de construire puisse régulièrement courir, le portail doit rester visible depuis un espace ouvert au public. De plus, toutes les mentions permettant de caractériser le projet doivent être lisibles sur le panneau depuis cet espace et ce, alors même que le portail resterait souvent ouvert[VII].
Quelles types d’erreur entachent l’affichage d’un permis de construire d’irrégularité et empêchent de purger le délai contentieux des tiers contre le permis ?
Le juge se montre pragmatique dans la sanction des erreurs qui peuvent apparaître sur un panneau d’affichage de permis de construire.
Pour déterminer si une erreur est de nature à entacher d’irrégularité le panneau, le juge cherche à savoir si cette erreur a empêché les tiers de prendre connaissance de l’importance et de la consistance du projet[VIII].
Un panneau d’affichage dont l’un des éléments est défaillant mais comportant néanmoins des informations suffisantes pour identifier le projet et consulter le dossier en mairie n’est pas irrégulier. En revanche, une erreur d’affichage empêchant le tiers d’évaluer la nature du projet est considérée comme suffisamment importante pour entacher d’irrégularité le panneau.
Quelques exemples concrets…
Affichage faisant courir le délai de recours des tiers :
- Affichage faisant état d’une surface inexacte et d’une identité erronée du propriétaire du terrain alors que l’ensemble des autres mentions étaient présentes sur le panneau (CE 28 avr. 2000 n°198565)
- Affichage ne précisant pas la date de délivrance du permis mais faisant état du numéro d’autorisation d’urbanisme (CE 23 mars 1979, n°03137)
- Affichage ne renseignant pas l’adresse exacte du lieu de consultation du dossier d’autorisation d’urbanisme mais indiquant le nom de la commune (CE 16 octobre 2020 Société Chemin de Trabacchina SAS, n°429357)
Affichage ne faisant pas courir le délai de recours des tiers
- Affichage ne mentionnant ni la hauteur, ni aucune autre indication pouvant donner son estimation (CE, 16 fév 1994 Sté Northern telecom immobilier, n°138207 ; CE, 25 février 2019, n°416610)
- Affichage ne comportant que le nom du bénéficiaire du permis de construire (CE, 19 juin 1992, n°129053)
- Affichage ne renseignant que la date et le numéro de permis. (CE, 22 avril 1992, n°91436)
Terrain d’assiette bordé par deux voies publiques : le pétitionnaire doit-il afficher son permis de construire en limite de chacune de ces voies ?
Lorsqu’un terrain d’assiette est bordé par deux voies publiques, il suffit alors de placer son panneau aux abords de l’une d’entre elles pour faire courir le délai de recours des tiers[IX] (sous réserve de la régularité des mentions inscrites bien sûr).
En principe, il n’y a aucune obligation d’afficher plusieurs panneaux de permis de construire pour un même projet sur un même terrain[X].
Par exception, seule une manœuvre de nature à priver les tiers de l’information de la réalisation de ce projet peut empêcher le délai contentieux de courir. Cela étant, force est de constater que cette hypothèse est assez rarement accueillie par le juge[XI], vu le peu de décisions rendues en ce sens.
Le pétitionnaire doit-il afficher son autorisation d’urbanisme immédiatement après sa délivrance par le maire ?
Le pétitionnaire doit afficher son permis de construire dès qu’il est délivré par le maire, selon les exigences du Code de l’urbanisme[XII], mais l’absence d’affichage du permis sur le terrain, juste après l’obtention du permis, n’est pour autant pas sanctionnée[XIII].
On rappellera que le délai de recours des tiers de deux mois court à partir du moment où le panneau est affiché régulièrement sur le terrain concerné[XIV] : il est donc conseillé d’afficher le panneau dès que possible pour purger le permis de tout recours.
Dans l’hypothèse où aucun panneau n’est affiché, la sécurité juridique impose néanmoins de limiter les possibilités de recours dans le temps et de sécurité le droit à construire du pétitionnaire. Pour cela, la loi prévoit un délai maximal pour introduire un recours qui expire six mois après l’achèvement de la construction ou de l’aménagement[XV]. En outre, la jurisprudence prévoit également un délai raisonnable d’un an à compter de l’obtention du permis de construire. A l’expiration de ce délai, le requérant attaquant un permis de construire risque d’être jugé irrecevable dans sa demande s’il ne justifie pas de circonstances particulières[XVI] l’ayant empêché de former un recours plus tôt.
Une fois le délai de recours de deux mois purgé, le bénéficiaire d’un permis de construire peut-il retirer le panneau d’affichage de son terrain ?
Dès lors que le délai de recours des tiers est purgé, retirer son panneau d’affichage n’a de conséquence ni sur le délai de recours des tiers, ni sur la légalité du permis de construire[XVII] (sauf cas de fraude). En revanche, un affichage continu pendant toute la durée du chantier est imposé par le pouvoir réglementaire[XVIII].
Le seul affichage en mairie suffit-il a faire courir le délai de recours des tiers contre une autorisation d’urbanisme ?
L’affichage en mairie du permis de construire est obligatoire selon le Code de l’urbanisme[XIX] mais seul l’affichage sur le terrain concerné par le permis fait courir le délai de recours des tiers[XX].
Le pétitionnaire ne peut se prévaloir d’une publicité en mairie pour justifier le point de départ du délai de recours contre son permis, dans le cas où il ne l’aurait pas affiché sur son terrain[XXI].
Quelle conséquence a un transfert d’un permis de construire a un nouveau pétitionnaire sur le délai de recours des tiers ?
Le transfert de permis de construire à un nouveau pétitionnaire n’a pas d’incidence sur le délai de recours de deux mois contre le projet initial.
Le juge considère que le changement de pétitionnaire n’est qu’une rectification de nom sur le permis de construire et ne change en rien sa consistance et son importance[XXII].
Néanmoins, un arrêté de transfert devra être affiché dans les mêmes conditions que le permis de construire initial. En effet, l’affichage de l’arrêté de transfert ne permet que de faire courir un délai de recours contre ledit transfert du permis et non contre le projet déjà autorisé précédemment.
Est-ce que le fait de déplacer ou modifier son panneau d’affichage du permis de construire remet en cause le cours du délai de deux mois ?
Le fait de déplacer ou modifier le panneau d’affichage de permis de construire implanté sur le terrain ne remet pas systématiquement en cause le délai de recours des tiers de deux mois, si les caractéristiques du projet demeurent visibles depuis l’extérieur du terrain, à partir d’un espace public.
Selon une jurisprudence constante, le simple fait que le panneau ait été déplacé ne constitue pas une irrégularité[XXIII] de l’affichage remettant en cause le court du délai dont les tiers disposent pour contester la légalité du permis.
Légende :
[I] CAA de DOUAI, 28 octobre 2010, n°09DA01609.
[II] CE, 9 juin 1999, n°169158.
[III] CE, 21 octobre 2005, n°280188.
[IV] Art. A424-18 Code de l’urbanisme.
[V] CE, 27 juillet 2015, n°370846.
[VI] CE, 30 janvier 2017, 394206.
[VII] CAA de LYON, 23 juin 2020, n°19LY03532.
[VIII] CE, 6 juillet 2012, n°339883.
[IX] CE 16 mars 1990, n°82790.
[X] CAA Bordeaux, 10 juillet 2011, Ramassamy, n°97BX01966 et n°97BX31427.
[XI] CAA de MARSEILLE, 12 mai 2021, n°19MA01547.
[XII] Art. R*424-15 Code de l’urbanisme.
[XIII] CE, 15 avril 1988, n°66838 ; CE, 19 février 1992, n°95096 ; CE, 18 mai 1988, n°60702, CE, 31 décembre 1976, n°03164.
[XIV] Art. R*600-2 Code de l’urbanisme.
[XV] Art. R*600-3 Code de l’urbanisme.
[XVI] CE, 13 juillet 2016, n°387763, puis appliqué en matière de permis de construire, CE, 9 nov. 2018, n°409872.
[XVII] CE, 11 octobre 1978, n°06925.
[XVIII] Art. R*424-15 Code de l’urbanisme.
[XIX] Art. R*600-2 Code de l’urbanisme.
[XX] CE, 29 juillet 1983, n°36888.
[XXI] CAA de Bordeaux, 28 août 2018, n°16BX00474.
[XXII] CE, 16 janvier 2013, n°361297.
[XXIII] CAA de Lyon, 26 octobre 2021, n°20LY02687 ; CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 28 octobre 2021, n°20MA04724.
Article rédigé par Théo Bartolomucci et Mélyssa Carré